Martelly, l’armée et l’international : un jeu de poker

Haitian President Michel Martelly (C), sitting between Haitian Prime Minister Garry Conille (L) and U.S. Ambassador to Haiti, Kenneth H. Merten (2nd R), gestures to the crowd while attending a news conference in Caracol November 28, 2011. The president and foreign investors are in town to participate in a groundbreaking ceremony where an industrial park is being constructed. Picture taken November 28, 2011.

Les hommes armés sont dans la ville. Ils circulent librement. Cagoulés et bien équipés. Cet état de chose, qui inquiète plus d’un, paradoxalement semble ne pas déranger les plus hautes autorités de l’État. Au contraire, ce dossier traîne et se transforme peut-être en un instrument de négociation entre la présidence et l’international. Ce dernier, farouchement opposé à la remobilisation de l’armée, s’agite contre le président Martelly et consorts face au danger que représentent ces hommes armés. Un véritable jeu de cache-cache. De poker menteur. Face à la recrudescence de certains dossiers brûlants, la légitimité du président de la République paraît de plus en plus fragilisée. La question de la double nationalité, les bons rapports apparents du Président avec les dirigeants de gauche de la zone, la non-publication de la constitution révisée : voilà tout un ensemble de points sur lesquels les puissances impérialistes ne s’entendent pas avec l’homme qu’elles ont aidé à entrer au Palais national. Cependant, Joseph Michel Martelly semble filer doux depuis quelque temps. Les Américains se l’approprient. Depuis son point de presse hypermédiatisé au Palais national avec l’ambassadeur américain Kenneth Merten, le Président semble lâcher du lest sur pratiquement tous les dossiers. Michel Martelly, en bon enfant, rend la tâche de la communauté internationale plus facile : ses demandes ne semblent plus souffrir au niveau de la présidence. La dernière décision est intervenue au cours de la semaine dernière. Le chef de l’Unité de sécurité présidentielle (USP) a été remplacé, dit-on, sur ordre des Américains. L’ex-commissaire de police, Carel Alexandre, renvoyé de la Police nationale en 2004, a été contraint de se démettre suite à des pressions de Washington sur le président de la République de se débarrasser de certains hommes au passé sulfureux cantonnés au Palais national. Pierre Léon Saint-Rémy, membre de la famille présidentielle, est le nouveau remplaçant de M. Alexandre. D’autres têtes doivent encore tomber. Washington aurait également demandé le renvoi de Godwork Noël (ancien responsable du commissariat de l’Arcahaie), Gilbert Dragon (ancien responsable du commissariat de la Croix-des-Bouquets), Jacky Nau (actuel responsable de sécurité du Parlement) et Will Dimanche (actuel responsable du Service de circulation et membre de la famille présidentielle) dénoncés dans un rapport du Réseau national de défense des droits humains (RNDDH). Certains hommes se réclamant des anciennes FAD’H affirment clairement être de connivence avec des poids lourds du pouvoir du 14 mai. La frilosité du gouvernement face à ce phénomène semble le prouver. Les hommes armés envahissant des domaines publics et privés et se réclamant des anciennes Forces armées d’Haïti représentent un danger certain, selon plus d’un. Cependant, ces hommes ne semblent pas agir comme bon leur semble. Leur mouvement n’est pas isolé. Il entre dans le cadre de toute une série d’actions visant à atteindre l’objectif de certains hommes au pouvoir fermement attachés à la reconstitution de l’armée. Le président Martelly, homme de droite, partisan farouche des Forces armées d’Haïti, paraissait clairement en opposition avec la communauté internationale sur ce dossier. Le numéro un de la nation, qui avait annoncé la remobilisation de l’armée le 18 novembre dernier, s’était vu dans l’obligation de surseoir à son projet suite à une réunion avec « certaines grosses légumes » de la communauté internationale, très remontées à l’époque. Il aurait reçu l’ordre formel d’abandonner son fâcheux. Par ailleurs, le pouvoir manie bien les dessous de ce nouveau phénomène. Certains hommes se réclamant des anciennes FAD’H affirment clairement être de connivence avec des poids lourds du pouvoir du 14 mai. La frilosité du gouvernement face à ce phénomène semble le prouver. La dernière démonstration de ces hommes en treillis au Champ de Mars, non loin du Palais national, a été applaudie au lieu d’être réprimandée. En même temps, les notes de presse du gouvernement s’enchaînent. La première aurait été faite sous les diktats de l’international. La présence des supposés membres de l’ancienne force armée en dit long. Elle serait, dans une certaine mesure, un moyen de mettre les forces protectrices devant un fait accompli. Ces hommes armés semblent être un joyeux prétexte pour mettre l’international devant une situation de non-retour. Le camp rose et blanc multiplie les alibis pour consolider son pouvoir. Mario Andrésol, très détesté au Palais national, a failli en faire les frais. Michel Brunache, ministre démissionnaire de la Justice, a tenté vainement de mettre des bâtons dans les roues du directeur général en vue de satisfaire encore une fois une demande de l’international concernant le retrait des hommes armés en treillis. Ces derniers, mobilisés (selon plus d’un) par des hommes forts du nouveau pouvoir, finiront par être largués, puis chassés. Peut-être par ces mêmes hommes forts. Instinct de conservation du pouvoir oblige. Joseph Chanoine Charle

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